Pêche électrique en mer, petits arrangements entre amis…
Le 16 janvier dernier, dans un vote historique, le Parlement européen votait l’interdiction de la pêche électrique. Les États membres, dont la France, et les négociateurs conservateurs du Parlement sont en train de casser ce vote en catimini.
Malgré les scandales successifs liés à la pratique de la pêche électrique révélés par l’association BLOOM, les pêcheurs artisans et dénoncés par le Parlement européen (décision illégitime d’autoriser cette pêche en 2007, licences illégales, fausse pêche scientifique, subventions publiques indues etc.), les négociations s’acheminent vers un compromis inacceptable en ce qui concerne la pêche électrique. C’est en tout cas l’avis de Yannick Jadot, membre de la Commission Pêche.
Le compromis a été discuté le jeudi 4 octobre en réunion à Strasbourg entre les rapporteurs du Parlement, la Commission européenne et la présidence autrichienne du Conseil, propose d’interdire la pêche électrique, mais après le 31 décembre 2021. Mais le ciselage du langage technique permet en réalité non seulement de continuer à pratiquer cette méthode de pêche qui ravage les écosystèmes marins et les équilibres socio-économiques de nos territoires, mais même de l’étendre à l’avenir.
1) Le compromis affirme que la pêche électrique est interdite mais mentionne immédiatement l’exception du chalutage électrique.
2) Le chalutage électrique pourra se poursuivre dans la limite actuelle de 5% des flottes de chaluts à perche de chaque Etat membre.
3) En outre, la pêche électrique faussement scientifique reconnue comme telle par les protagonistes eux-mêmes (les industriels comme le gouvernement néerlandais) et par le CIEM, jouira d’un régime d’exception lui permettant d’être reconduite avec comme seule contrainte de « suivre un protocole scientifique spécifique revu ou validé par le CIEM ». Or le groupe du CIEM travaillant sur la pêche électrique (WGElectra) est largement composé de chercheurs néerlandais rémunérés par le gouvernement et les industriels des Pays-Bas et ouvertement favorables à la pêche électrique.
Cela signifie que toutes les licences non réglementaires qui ont été accordées au-delà de la limite des 5%, c’est-à-dire 70 licences sur les 84 détenues par les Pays-Bas, seraient ainsi légitimées par le compromis proposé alors que l’instance scientifique européenne (le CIEM), comme j’avais dénoncé avec véhémence le 21 juin 2018 les positions tenues par cette instance et montré qu’elle n’était pas en mesure de formuler un avis scientifique fiable et neutre sur le dossier extrêmement politisé de la pêche électrique.
4) Le compromis propose en outre que la Commission européenne, qui est à l’origine de la décision immorale d’autoriser une pêche interdite et qui est responsable du chaos européen et de la déconfiture sociale et économique des pêcheurs artisans, soit de nouveau décisionnaire en lien direct avec le CIEM de la possibilité de reconduire les autorisations de la pêche électrique à l’avenir.
La proposition de compromis n’est pas seulement inacceptable, elle est en contradiction frontale avec la position adoptée par le Parlement européen le 16 janvier 2018 à 402 voix contre 232 en faveur d’une interdiction totale et définitive du courant électrique dans les activités de pêche. Les Verts européens dénoncent avec virulence ce compromis et se battront avec tous députés engagés sur ce combat pour empêcher qu’une décision aussi anti-démocratique soit actée par le trilogue.
En outre, Yannick Jadot demande « au gouvernement français de dénoncer ce compromis inacceptable pour notre biodiversité et nos pêcheurs artisans. »