Barrages : quand le Sénat et ses lobbies complotent contre l’écologie
Ségolène Royal a tout fait pour récupérer le pilotage de la COOP 21. Espérons qu’elle y fera moins de dégâts qu’elle n’en a fait ou laissé faire dans la gestion publique des dossiers sur la continuité écologique dans le cadre de la loi biodiversité et culture. Parce que dans ce domaine comme dans celui de la réglementation de la pêche professionnelle en eau douce, la coupe (21) est pleine.
On savait le Sénat accessible à toutes sortes de manipulations des lobbies. Avec les discussions et le vote par les sénateurs de nouvelles dispositions incroyablement favorables aux hydrauliciens de tous poils c’est une caricature d’elle-même que nous propose la haute assemblée. Le nouvel article 33 bis de la loi biodiversité et culture voté par les sénateurs à l’instigation de ceux qui tirent les ficelles de ces marionnettes démocratiques est ainsi rédigé :
I – Les systèmes hydrauliques et leurs usages font partie du patrimoine culturel, historique et paysager protégé de la France.
II – Le code de l’environnement est ainsi modifié : 1° L’article L. 211-1 est complété par un III ainsi rédigé :
III – La gestion équilibrée de la ressource en eau doit également permettre d’assurer la préservation du patrimoine, notamment hydraulique, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux protégés en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151- 19 du code de l’urbanisme ; 2° L’article L. 214-17 est complété par un IV ainsi rédigé :
IV – Les mesures résultant de l’application du présent article sont mises en oeuvre dans le respect des objectifs de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine mentionné au III de l’article L. 211-1. En clair, cela signifie que tous les ouvrages hydrauliques sont à priori considérés comme des éléments intouchables du patrimoine culturel du pays, ce quels que soient leur impact sur l’environnement, leur architecture ou leur efficacité énergétique.
Ainsi l’article 211-1 de la LEMA sur la gestion équilibrée de la ressource en eau qui donne dans son point I la priorité à « La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides… » se voit affublée par les sénateurs d’un point III ainsi rédigé : « III – La gestion équilibrée de la ressource en eau doit également permettre d’assurer la préservation du patrimoine, notamment hydraulique, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux protégés en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme. » Ou encore : « ne touchez pas à nos barrages, pas plus qu’à nos moulins ou à nos droits d’eau. » Et tant pis si les rivières, ruisseaux et autres chevelus doivent en crever pour cause de réchauffement dû au climat, aux seuils et aux barrages. Et pour faire bonne mesure, les propriétaires d’ouvrages auront, si on laisse faire les sénateurs, un délai supplémentaire de trois ans pour se mettre aux normes dès lors qu’ils ont déposé un dossier à l’administration.
Ce délai s’ajoutant au délai initial de cinq ans à compter de la publication de la liste de classement des cours d’eau fin 2012 au titre du L 214-17 CE, déjà six ans après promulgation de la loi. Derrière ces amendements auxquels , pour le moment, le ministère de Mme Royal n’a pas trouvé grand chose à redire, on trouve donc ces fameux lobbies tels que l’Hydrauxois, les Amis des Moulins, l’Union Française de l’Electricité, France Hydroélectricité et quelques autres encore, plus discrets mais tout aussi efficaces puisqu’ils sont même représentés au cabinet de la ministre. Le dossier est aujourd’hui entre les mains des députés, censés mieux armés pour faire la différence entre intérêt général et intérêts particuliers. L’amendement scélérat ne devrait donc pas survivre à la navette parlementaire. A moins que les croisés du barrage aient trouvé de nouveaux moyens d’apporter de l’eau au moulin de leur argumentation