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Rencontre avec les insectes aquatiques

Dans notre précédent article, nous avons présenté la fabuleuse diversité des petites bêtes qui peuplent nos rivières. Après cet aperçu général, il convient de se pencher sur le groupe d’invertébrés dominant de nos milieux aquatiques : les insectes.

Par Sylvain Richard et Guy Périat

L’intérêt pour les insectes aquatiques, souvent considérés comme des mouches parmi les mouches par le grand public et les pêcheurs, est généralement faible. Si chacun peste contre leurs piqûres, leur diversité et leur richesse sont rarement remarquées. Pourtant, ils sont tellement nombreux et bien adaptés à leur environnement que nous pouvons les considérer comme les véritables propriétaires de nos lacs et cours d’eau. Les entomologistes ne se passionnent pas beaucoup pour ces petites bestioles discrètes, de couleur généralement terne et à l’espace vital souvent restreint. Toutefois, si la beauté des papillons explique à elle seule la raison de leur succès, l’intérêt pratique et économique des insectes aquatiques devrait également être à l’origine de leur reconnaissance universelle. Par leur sensibilité aux atteintes de l’environnement, ils constituent de formidables indicateurs de la qualité des milieux. Enfin, étant la nourriture essentielle des poissons, on ne compte plus les tonnes de larves, de nymphes et d’adultes d’insectes aquatiques transformés en filets de truites savoureuses !

Comment se différencient les insectes…

Au niveau du cycle de vie, si tous les insectes pondent des oeufs, d’où éclot une larve qui se développe par mues successives avant de se méta-morphoser en adulte, deux types de développements se distinguent en fonction du degré d’évolution :
• Chez les insectes primitifs, telles les libellules, la larve présente une grande ressemblance avec l’adulte en raison d’un développement à métamorphoses incomplètes appelé hétérométabole.
• Chez les groupes plus évolués, comme les papillons, la larve a un aspect très différent de l’adulte car le développement, appelé holométabole, passe par une métamorphose complète de la larve.

D’un point de vue anatomique, quel que soit leur type de développement, tous les insectes présentent les caractères morphologiques suivants :
• Une tête portant l’appareil buccal, une paire d’antennes et une paire d’yeux simples ou composés. Les larves holométaboles ne possèdent toutefois qu’un système de vision rudimentaire, appelé stemmates.
• Un thorax séparé en trois parties, dont chacune possède une paire de pattes locomotrices articulées et segmentées.
• Un abdomen à 11 segments exempts de tout appendice, avec des prolongements terminaux, appelés cerques, et l’appareil génital des adultes.
La sélection naturelle a toutefois doté chaque espèce de caractères morphologiques propres en fonction de leur lieu de vie. Ces particularités anatomiques servent aux hydrobiologistes pour les distinguer les unes des autres. Un système hiérarchique permet en outre de les classifier en fonction de leur généalogie, leur lien de parenté en quelque sorte : les espèces proches, les cousins germains, se rassemblent en genres, les genres voisins se regroupent en familles, les familles en ordres et finalement les ordres en classes. Ainsi, la classe des insectes, rencontrés dans nos réseaux hydrographiques continentaux, se sépare en11 ordres, dont voici les principaux.


L’ordre des plécoptères

De développement hétérométabole, les plécoptères ou insectes à ailes repliées sont, d’un point de vue évolutionnaire, très primitifs. Ils sont la terreur de nos milieux aquatiques, assimilables à de véritables « tyrannosaures ». Ces super prédateurs ont une grande tête arborant des pièces buccales proéminentes leur permettant de découper leurs proies, des pattes allongées pourvues chacune d’une paire de griffes acérées et d’un abdomen fuselé, robuste et sans branchies, se terminant par deux cerques effilés caractéristiques Si les larves sont très à l’aise dans les cours d’eau bien oxygénés et à courants vifs, les adultes par contre sont maladroits en vol. Leurs grandes ailes transparentes ne leur permettent pas d’effectuer de longs périples.
C’est pourquoi ils restent souvent à proximité des rives et des pierres exondées, les ailes repliées à plat sur leur corps. Les pêcheurs les récupèrent alors pour s’en servir d’appâts et leur donnent le surnom de mouche ou poux de pierre.

L’ordre des éphéméroptères

Également hétérométaboles, les adultes d’éphémères sont beaucoup plus aptes à voler que les plécoptères. Leur vol majestueux en soubresaut, rythmé tel un ballet d’opéra au-dessus des flots leur est caractéristique. Au repos les ailes sont maintenues en position verticale, à l’image des voiles d’un bateau. À l’état de larves, s’il existe des éphémères prédateurs à têtes proéminentes, d’autres sont des fouisseuses de substrat se terrant dans le sable ou encore des brouteurs de végétaux accrochés aux bryophytes ou renoncules. Le développement des larves nécessite généralement quelques mois, une saison, mais peut parfois prendre deux ou trois années. Leur nom d’éphémère est donc plus approprié aux adultes dont la durée de vie est beaucoup plus courte : une heure, une soirée voire quelques jours au maximum. Les larves d’éphémères se différencient morphologiquement des plécoptères par la présence de trois cerques à l’extrémité de leur abdomen. L’exception confirmant toujours la règle, un genre d’éphémère, Epeorus, n’en possède toutefois que deux. Néanmoins, comme tous les éphémères, son abdomen est mou, fragile et pourvu de branchies respiratoires et ses pattes thoraciques ne comportent qu’une seule griffe à leur extrémité. La confusion avec une larve de plécoptère n’est donc pas possible.

L’ordre des trichoptères

Dans ce groupe, les larves ne ressemblent pas aux adultes. Les trichoptères réalisent donc durant leur développement une métamorphose complète, passant du stade oeuf au stade adulte par une phase larvaire et nymphale, à l’image des papillons. La caractéristique des larves de trichoptère est d’avoir la capacité de se construire un abri, soit mobile pour une protection et un camouflage parfaits, soit fixe pour réaliser une nymphose en totale tranquillité. Certaines larves se promènent donc avec leur maison sur le dos, constituée d’éléments de végétaux et/ou de minéraux (les pêcheurs les surnomment ainsi « portebois » ou « traîne-bûches » !), d’autres vivent sans protection jusqu’au stade nymphal où la larve doit alors se hâter de se construire un abri sous les pierres du fond, dans lequel elle s’enferme à l’aide de filaments de soie pour réaliser sa nymphose. Au stade adulte, le trichoptère ressemble à un papillon de nuit aux ailes repliées en forme de toit. L’absence de trompe spiralée, qui sert aux lépidoptères à se délecter du nectar des fleurs, les distingue de ces derniers. En outre, les écailles multicolores des ailes qui font la beauté des papillons sont remplacées chez les trichoptères par de minuscules poils.


L’ordre des odonates

Il s’agit du groupe bien connu des libellules et des demoiselles. Hétérométaboles, les larves d’odonates sont strictement aquatiques et leur appareil buccal possède un organe préhenseur caractéristique, nommé masque, qui leur sert à attraper leurs proies. Au stade adulte, ces prédateurs arborent souvent des couleurs vives. Les libellules se distinguent morphologiquement des demoiselles de part la position de leurs ailes au repos : elles sont à plat chez les libellules alors que les demoiselles les replient en position verticale, à l’image des papillons ou des éphémères.


L’ordre des coléoptères

Les coléoptères sont un des premiers ordres d’insectes capables d’une métamorphose complète. Ils font donc figure de précurseurs chez les insectes holométaboles. La plupart des coléoptères sont terrestres et peu de groupes se sont adaptés à la vie aquatique. Une des caractéristiques des adultes est d’avoir la première paire d’ailes transformée en un bouclier se juxtaposant dorsalement, appelée élytres. Cette armure joue non seulement le rôle d’étui pour les ailes postérieures qui permettent le vol mais également de protection pour le thorax et l’abdomen sousjacents. Les larves peuvent être confondues avec celles des diptères mais, contrairement à ces derniers, elles possèdent trois paires de véritables pattes, composées de plusieurs segments et arborant une paire de griffes terminales.


L’ordre des diptères

C’est le monde des mouches, des moustiques, des taons et autres insectes qui ont su transformer leurs paires d’ailes postérieures en un organe d’équilibre, appelé balancier. Ils ne volent donc qu’avec deux ailes, d’où leur nom. Les larves des diptères se caractérisent par l’absence de pattes thoraciques articulées. Ces dernières peuvent être remplacées par des pseudopodes ou bourrelets locomoteurs. La distinction des différentes espèces de diptères est quasiment impossible au stade larvaire et très souvent délicate au stade adulte.

Les autres ordres d’insectes aquatiques

A part les hétéroptères, qui possèdent de nombreux représentants aquatiques, notamment en eau stagnante comme le Gerris ou la Notonecte et qui se caractérisent par un appareil buccal en forme de rostre, les autres ordres d’insectes aquatiques, comme les lépidoptères, les hyménoptères, les mégaloptères et les planipennes ou névroptères, ne possèdent que quelques représentants dont le cycle de vie comporte une phase aquatique. Afin d’exploiter d’une manière optimale la morphologie hétérogène de nos milieux aquatiques continentaux, les insectes ont dû développer une foultitude d’adaptations anatomiques et physiologiques. En particulier, alors qu’ils sont quasi-absents en eaux salées, leur capacité à voler leur a permis d’être les maîtres de ce milieu dynamique, tantôt inondé tantôt asséché, que représente l’espace aquatique dulcicole.

Les formules 1 des cours d’eau

De formes aplaties, exempts de soies et armés de griffes acérées, les insectes adaptés au courant rapide des torrents et des veines d’eau soutenues sont aisément reconnaissables. Alors que l’éphémère Heptagenia, la patraque, en est l’icône, d’autres comme certaines larves de trichoptères Rhyacophila ont développé des formes corporelles allongées et de sections ovales, accompagnées d’appendices agrippant afin de pouvoir se mouvoir à la surface des pierres lisses, fouettées par de forts courants.


Les mineurs de fond

A contrario, les zones de dépôts sédimentaires sont colonisées par des insectes de type fouisseurs ou filtreurs, arborant une forme allongée et des branchies souvent exubérantes pour optimiser la respiration. L’éphéméroptère Ephemera, la mouche de Mai, en est un bel exemple. Néanmoins, les insectes typiques de ce genre de milieu sont plutôt de forme vermiculaire, tels les chironomes et autres larves de diptères à système locomoteur et à vision rudimentaire. Les fonds vaseux ou sablonneux des lacs et retenues d’eau sont principalement colonisés par ces insectes fouisseurs.


Les acrobates

Les zones de courant mixte, fréquemment colonisées par la végétation aquatique comme les mousses (bryophytes) ou les herbiers (phanérogames), sont le règne des acrobates et des artistes. Quand certains tissent des corbeilles de soie pour capter les particules organiques dérivantes comme le trichoptère Hydropsychae, d’autres, à l’image des coléoptères de la famille des Elmidés, sautillent de brindilles de mousse en brindilles de mousse à la recherche de nourriture.


Les spécialistes

L’évolution a également permis à certains insectes de se spécialiser pour exploiter des substrats singuliers, tels les bois mort ou les colonies d’algues filamenteuses. D’autres, comme le Gerris (hétéroptère), communément appelé par erreur araignée d’eau, donnent même l’impression de marcher sur l’eau lorsque ce charognard est à la recherche de cadavres d’invertébrés dérivants. Enfin, les milieux particuliers comme les eaux saumâtres, glaciaires ou souterraines sont également colonisés par des insectes qui ont su s’adapter à presque tous les environnements aquatiques continentaux.


A chaque type de nourriture une bouche particulière

La diversité des ressources a induit l’apparition de nombreux types de régimes alimentaires. Si certaines larves de diptères se nourrissent par simple absorption du substrat, à l’image d’un lombric, la majorité des insectes arborent un appareil buccal assez complexe de type broyeur. Ceux-ci constituent alors véritablement les « ruminants » de nos lacs et cours d’eau puisqu’ils broutent les gazons de végétation aquatique, raclent les colonies d’algues ou encore mastiquent les déchets organiques déposés. D’autres se sont spécialisés dans la collecte des déchets et ont ainsi développé différents systèmes pour intercepter les particules organiques dérivantes : certains insectes se servent d’appendices particuliers, d’autres construisent des structures filtres à l’aide de filaments de soie.
Parallèlement, certains groupes comme les hétéroptères sont équipés d’appareil buccal de type perceur, appelé rostre, leur permettant de perforer les cellules végétales ou animales pour en extraire des éléments nutritifs.
Enfin, les espèces prédatrices carnivores, ennemis redoutables des herbivores, sont ornées de pièces buccales saillantes et proéminentes destinées à saisir et découper leurs proies. Les prédateurs des eaux courantes, comme les plécoptères ou certains éphémères, sont de très bons nageurs, contrairement aux espèces des eaux stagnantes comme les larves de libellule chassant à l’affût, les dytiques (coléoptères) et les notonectes (hétéroptères), dont certaines peuvent nous infliger des piqûres ou des morsures douloureuses… Ainsi, les insectes mais également l’ensemble des macroinvertébrés, se sont adaptés à chaque habitat et à chaque ressource de nos milieux aquatiques, afin de les exploiter d’une manière optimale. Une espèce a donc ses caractéristiques qui lui permettent de jouer son rôle à la place qu’elle occupe. Les spécialistes parlent alors de niche écologique, terme définissant à la fois l’habitat et la fonction d’une espèce au sein de l’écosystème. Chaque niche écologique est donc constituée d’une communauté d’individus de la même espèce, dont la densité est limitée par la capacité d’accueil du milieu et contrôlée par les lois de la concurrence. Au sein des milieux aquatiques, il existe donc toute une mosaïque imbriquée de niches écologiques, plus ou moins dépendantes les unes des autres. Un milieu naturel hétérogène est ainsi constitué d’autant de niches écologiques différentes et présente ainsi une diversité et une richesse en macroinvertébrés optimale, constituée de brouteurs, de filtreurs, de prédateurs, etc., qui se maintiennent en un équilibre harmonieux et dynamique. Cet édifice de consommateurs primaires de la matière organique constitue ainsi au final un formidable filtre biologique naturel des eaux, en plus de représenter une source de nourriture unique pour les poissons…