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Le corbicule : un mollusque invasif méconnu

Le mollusque Corbicula a envahi très rapidement notre territoire depuis le début des années 1980.
Aujourd’hui, il colonise les principaux cours d’eau et plans d’eau de nos bassins. Mais d’où vient cette espèce et comment a-t-elle pu coloniser aussi facilement les milieux aquatiques ? Quels sont les risques liés à sa présence pour les écosystèmes ? Faisons le point sur les récents travaux scientifiques concernant cette espèce invasive… Par Sylvain Richard et Guy Périat 

 Le corbicule est un mollusque bivalve qui ressemble à une petite palourde. Il appartient à la famille des Corbiculidae et au genre Corbicula, qui regroupe des espèces d’eau douce et d’eau saumâtre qui filtrent l’eau pour se nourrir de phytoplancton. Il est facilement identifiable, en raison des stries de croissance concentriques et régulièrement espacées de sa coquille. Sa taille dépasse rarement les 3 cm de longueur bien que, dans certains cas, des individus puissent atteindre, voire dépasser les 5 cm.

Actuellement, son aire de répartition naturelle recouvre l’Asie, l’Afrique ainsi que l’Australie.

Toutefois, des fossiles de corbicule ont été retrouvés dans des dépôts du Tertiaire et du Quaternaire en Angleterre, en France, en Belgique, en Allemagne ainsi qu’en Italie, prouvant que ce bivalve était largement répandu en Europe occidentale avant la dernière glaciation. Mais cette période de long refroidissement climatique lui a été fatale et il a ainsi totalement disparu de la faune européenne depuis cette époque glaciaire.

Les premières informations de la présence de corbicules en dehors de leur aire de répartition d’origine datent des années 1920. Elles concernent la Colombie- Britannique, où l’espèce aurait été introduite accidentellement en 1924. Depuis, elle s’est largement répandue dans la plupart des lacs et des cours d’eau du continent nord-américain. Elle a par la suite gagné les eaux d’Amérique centrale puis d’Amérique du Sud, en particulier en Argentine et au Venezuela dans les années 1980. En Europe, le corbicule est rencontré pour la première fois en 1980 dans la basse Dordogne en France ainsi que dans l’estuaire du Tage au Portugal. 

Depuis, il est signalé en 1984 en Allemagne, en 1987 aux Pays-Bas, en 1989 en

Espagne, en 1992 en Belgique et vers la fin des années 1990 en Angleterre.

Aux Etats-Unis, la lutte contre les corbicules est évaluée à un milliard de dollars par an ! Le mollusque obstrue notamment les conduites d’alimentation en eau des centrales nucléaires ! Dans beaucoup de cours d’eau colonisés, on observe des densités de l’ordre de 100 à 200 individus/m2. Dans les canaux, elles peuvent aller de 200 à 400 individus/m2et, aux Etats-Unis, certains lacs montrent des densités de plus de 3 000 individus/m2!

bivalve

Une ou deux espèces de Corbicula seraient présentes en France 

Le genre Corbicula comprend des espèces présentant d’importantes variations de coloration, du brun noirâtre jusqu’au jaune pâle en fonction des espèces et de leurs milieux de vie. En France, il est généralement admis que la famille des Corbiculidae est essentiellement représentée par l’espèce Corbicula fluminea, de coloration brune. Mais la présence d’individus de coloration jaune, notamment dans le Rhône en amont de Lyon et dans le cours inférieur du Doubs, ainsi que d’individus de petite taille dans la Moselle et la Saône au niveau de Chalon-sur-Saône, a amené certains spécialistes à considérer qu’une autre espèce de corbicule, Corbicula fluminalis, est présente sur notre territoire. La position systématique, c’est-à-dire son rattachement à l’espèce

Corbicula fluminalis, de cette forme particulière de corbicule est toutefois toujours discutée.

En effet, si les individus de cette forme présentent une stratégie de r

eproduction différente de l’espèce C. Fluminea, certains scientifiques considèrent que c’est là plus le fait d’une adaptation au milieu qu’un réel caractère spécifique. En outre, en Amérique du Nord, les populations de Corbicula flumineapeuvent montrer de grandes variations d’aspect, que ce soit dans le ratio hauteur/longueur ou encore dans le nombre de stries d’accroissement.

Une expansion très rapide à travers le territoire…

La diffusion de Corbiculaen France a été extrêmement rapide. Elle s’est faite à partir d’au moins sept axes différents et, en une vingtaine

 d’années, la quasi-totalité des bassins hydrographiques français a été colonisée.

• Le premier axe de pénétration est le bassin de la basse Dordogne, où l’espèce a été observée pour la première fois en 1980. Son introduction serait due à des bateaux en provenance d’Asie ou

 d’Amérique, sur la coque desquels Corbiculase serait fixé. A la fin des années 1990, l’espèce a progressivement colonisé la plupart des bassins versants de la Garonne et de la Dordogne. Les plans d’eau ne sont pas

épargnés et Corbiculaest présente notamment dans les lacs aquitains de Cazaux, de Sanguinet et de Biscarosse. A partir de cet axe, l’espèce s’est propagée vers l’est et elle est recensée en 1989 dans le canal du Midi et en 1997 dans l’Hérault à Agde.

• Le second axe de pénétration est celui du bassin de l’Adour, où C

orbicula est recensée en 1989 dans un petit ruisseau près de Dax, puis dans l’Adour en 1991. Son apparition serait due aux pêcheurs, qui l’auraient utilisé comme appât… Le bassin de l’Adour étant isolé, l’expansion de

l’espèce vers le reste du territoire n’a pas été possible.

• Le troisième axe est l’estuaire de la Charente où l’espèce est signalée en 1996. Sa présence

pourrait être due là aussi à des bateaux en provenance de l’Asie ou d’Amérique.

• Le quatrième axe correspond au Rhin et aux canaux de l’Est, où Corbiculaest signalée pour la première fois en 1990 dans le Rhin et en 1994 dans la Moselle. A partir des canaux qui relient ce bassin à celui de la Seine, l’espèce a colonisé la Seine où elle est observée en 1997 à Paris puis à partir de 2000 sur les secteurs aval du fleuve. Elle a ensuite étendu sa progression vers l’Aisne et l’Oise, ainsi que l’Yonne et le Loing. Via le canal du Rhône au Rhin, l’espèce se retrouve dans la Saône et le Rhône également. Elle va progressivement coloniser les principaux affluents de ces deux cours d’eau.• Le cinquième axe est la Moselle française, et ses populations, apparues en 1994, pourraient provenir du Rhin alémanique dont elle est un affluent. En 2000, l’espèce est observée à Metz.

• L’estuaire de la Loire constitue le sixième axe de pénétration de Corbicula sur notre territoire, où l’espèce est observée en 1990. Là aussi, des bateaux en provenance d’Asie ou d’Amérique pourraient expliquer l’apparition du mollusque. En 1997, il est observé à Saumur, puis en Loire moyenne à partir des années 2000. Actuellement, l’espèce est recensée jusqu’aux environs de Digoin et les principaux affluents que sont la Vienne, le Cher, la Maine, la Sarthe, la Mayenne sont également colonisés.

• Enfin, le septième axe de pénétration est celui de l’estuaire du Rhône, où Corbiculaest observée, en 1997 à Salin-de-Giraud. En 1998, on la retrouve dans le Gardon et l’Ardèche et en 1999 dans la basse Durance. Les individus du Rhône deltaïque présentent des caractères génétiques différents de ceux du Rhône en amont de Lyon. Cette observation pourrait montrer que la colonisation du fleuve ne s’est pas réalisée uniquement par la dévalaison de Corbiculaissues de l’axe Rhin et qu’une population implantée plus récemment dans le delta remonterait le fleuve actuellement. Les seuls bassins épargnés par l’invasion de l’espèce sont ceux des zones de montagne et des fleuves côtiers de la Côte d’Azur, de Corse, de Bretagne, de Haute-Normandie et du Pas-de-Calais. Mais pour combien de temps encore ?

Silure

Avec la carpe, le silure est un grand consommateur de corbicules, mais leur prélèvement ne suffira pas à ralentir l’invasion du mollusque !

 … reflets des profondes modifications des milieux 

aquatiques

 Les canaux de navigation ont eu un rôle essentiel dans la dispersion de Corbiculasur notre territoire, en reliant entre eux les principaux bassins hydrographiques. L’espèce trouve en effet dans ces milieux une source abondante de nourriture, des courants lents et des substrats meubles qui lui conviennent, ainsi qu’une faible compétition interspécifique et une relative tranquillité vis-à-vis des prédateurs. Elle peut ainsi proliférer, augmentant de fait les possibilités de diffusion vers l’aval. Mais la dégradation de la qualité des écosystèmes aquatiques a également participé directement à l’expansion de ce mollusque invasif. En effet, les importantes modifications morphologiques (recalibrage, chenalisation, édification de seuils et de barrages…) subies depuis plus de cinquante ans ont profondément modifié les habitats de la plupart des grands cours d’eau de notre territoire : en ralentissant les écoulements et en modifiant la qualité des substrats, ces interventions ont ainsi grandement favorisé l’installation de ce bivalve dans des secteurs qui ne lui étaient pas favorables 

auparavant… 

Pike

De prime abord, les corbicules sont un miracle qui rend l’eau claire comme du gin, limite le réchauffement excessif en été et par la même occasion la prolifération des algues filamenteuses. Toutefois, les grandes colonies entraînent un rejet de nitrate, d’azote ammoniacal ainsi que de phosphore.

 Une stratégie de développement adaptée à la diffusion 

 Corbicula est en général assez tolérante vis-à-vis de la pollution organique, pour peu que la teneur en oxygène reste assez importante.
Une température de l’eau supérieure à 30 °C perturbe son métabolisme et ses fonctions reproductives, alors que des valeurs thermiques inférieures à 2 °C sont considérées comme létales pour les individus.
Ce mollusque bivalve est hermaphrodite et montre une très forte fécondité :
après l’incubation des larves au niveau des branchies jusqu’à ce qu’elles atteignent une taille d’environ 250 μm, de 30 000 à 50 000 juvéniles sont libérés en moyenne par adulte et par saison de reproduction.
Après une phase planctonique, où les juvéniles dérivent en pleine eau, les individus vont alors se fixer sur le fond.
Si la mortalité des juvéniles lors de la phase planctonique est très importante, pouvant aller jusqu’à 99 % selon certains spécialistes, ceux-ci sont capables de secréter un filament muqueux qui leur permet de dériver en pleine eau et d’être entraînés par le courant.
Ils peuvent ainsi coloniser par dévalaison des linéaires très importants.
Les adultes peuvent également secréter un pseudo byssus leur permettant de se fixer sur la coque des bateaux ou à des particules en suspension de grande taille, favorisant ainsi leur expansion.

La concurrence des corbicules avec les mollusques indigènes tourne le plus souvent à l’avantage de l’envahisseur. Il s’ensuit de profonds bouleversements de nos écosystèmes.


Des impacts économiques et écologiques 

 Non seulement Corbiculaest invasive, mais elle est très prolifique… Dans beaucoup de cours d’eau colonisés, on observe des densités de l’ordre de 100 à 200 individus/m2. Dans les canaux, elles peuvent aller de 200 à 400 individus/m2 et, aux Etats-Unis, certains lacs montrent des densités de plus de 3 000 individus/ m2! Ce sont ainsi de véritables tapis de coquilles qui peuvent recouvrir les fonds des milieux colonisés et cela ne va pas sans poser quelques problèmes… En effet, les coquilles mais également les juvéniles à la dérive peuvent être aspirés par les systèmes complexes de refroidissement de certaines industries ou des centrales de production électrique, thermiques ou nucléaires. En obstruant les canalisations, elles peuvent engendrer des dysfonctionnements plus ou moins importants, mettant en jeux directement la sécurité de ces installations. Aux Etats- Unis, le coût lié aux dommages engendrés par Corbicula est estimé à près d’un milliard de dollars par an… D’un point de vue écologique, Corbicula peut entrer directement en compétition, en termes d’habitat et de ressources trophiques, avec d’autres mollusques indigènes.
C’est ce qui a été constaté au Japon, où l’introduction de C. Flumineaa provoqué la disparition d’une espèce indigène de corbicule, C. leana, dans la rivière Yodo. Peu de retours d’expérience similaires existent actuellement en France et en Europe.
De manière plus insidieuse, la prolifération de l’espèce est susceptible d’engendrer un certain nombre de modifications sur l’écosystème aquatique récepteur. Le développement d’importantes colonies modifie drastiquement le type et la qualité des substrats, qui deviennent alors moins biogènes, voire non colonisables pour les espèces benthiques indigènes.
L’activité physiologique des individus entraîne également une forte consommation en oxygène dissous et un relargage significatif de dioxyde de carbone dans l’eau. Les fèces de l’animal présentent également la particularité d’être très concentrées en nitrate, en azote ammoniacal ainsi qu’en phosphore.
Les caractéristiques physico- chimiques de l’eau et des sédiments peuvent ainsi être perturbées par les communautés de C. Fluminea, avec de potentielles incidences sur la production primaire du milieu.
C’est ce qu’a pu montrer une équipe de chercheurs américains sur le lac Tahoe, grand lac naturel situé à cheval entre la Californie et le Nevada, qui ont fait le lien entre de fortes proliférations d’algues filamenteuses du genre Spirogyra et un excès de nutriments azotés et phosphorés issus de l’activité des populations de Corbicula.
Ainsi, si d’aucuns pouvaient imaginer que le corbicule pouvait constituer un filtre efficace pour la qualité de l’eau de nos rivières et de nos lacs, eh bien, il n’en est rien : les désordres engendrés, tant sur le plan chimique qu’habitationnels, sont bien supérieurs aux hypothétiques services que pourrait rendre cet indésirable mollusque. L’incroyable rapidité de l’expansion de Corbiculaest le triste reflet de la qualité générale de nos grands systèmes aquatiques.
S’il semble illusoire de faire disparaître l’espèce là où elle est actuellement bien implantée, c’est tout de même une raison de plus en faveur de la préservation et de la restauration des conditions thermiques et morphologiques des milieux, si l’on veut les épargner de l’invasion de Corbicula.